La Ville et son musée de l’Annonciade invitent à porter un nouveau regard sur l’œuvre de Matisse.
L’exposition « Matisse et les Inuits » est une approche poétique de l’univers magique du monde des Inuits découvert à New York par les surréalistes pendant la guerre, elle s’articule autour d’un texte, écrit par Georges Duthuit et illustré par Henri Matisse de visages d’Esquimaux.
On imagine Henri Matisse assis, après son opération d’un cancer, devant des masques en bois et en peaux créés par des Esquimaux et collectionnés par son gendre, scrutant des photos rapportées du pôle Nord par un explorateur danois alors en vogue, Knud Rasmussen. On imagine aussi le vieux maître français s’imprégner des récits et des chants traditionnels assemblées par l’explorateur Paul-Émile Victor, qui le lui dédicaça en 1951.
L’exposition « Matisse et les Inuits » présentée au musée de l’Annonciade afin de fêter les 150 ans de la disparition du peintre, invite à la rêverie et titille la curiosité. Car associer le chef de file du fauvisme, friand des couleurs chaudes du monde méditerranéen qu’il chérit, aux espaces mornes et glacés de la banquise ne coule pas de source.
Son gendre, l’écrivain et critique d’art Georges Duthuit, découvre ce peuple lors d’un séjour à New York, au début des années 1940. Avec des surréalistes de ses amis, il s’entiche de l’imaginaire inuit, fondé sur la chasse et la pêche et transcendé par les chamans. À tel point qu’il entreprend d’écrire une longue fable poétique en leur honneur, Une fête en Cimmérie. Qui d’autre, pour l’illustrer, que le père de son épouse Marguerite ?
Matisse convalescent se familiarise avec l’univers Inuit
C’est ainsi qu’en sa villa Le Rêve à Vence (Alpes-Maritimes), un Matisse convalescent se familiarise avec cet univers. S’il ne rencontre aucun Inuit, il se renseigne comme il peut. Outre le récit de Knud Rasmussen, il lit Kabloona de l’écrivain aventurier Gontran de Poncins, rencontre Paul-Émile Victor qui lui montre ses images tournées dans le Grand Nord.
De cet intérêt tardif du peintre pour les Inuits résultent des découpages dans l’esprit de son ouvrage Jazz (1947) et une trentaine de lithographies d’une extrême simplicité. Quelques traits, et apparait un visage de femme aux yeux perçants ou celui d’un esquimau tout sourire. Tel celui qu’il choisit pour figurer sur la couverture d’Une fête en Cimmérie. Le livre – le dernier à être illustré par Matisse – ne paraîtra qu’en 1963, neuf ans après sa mort.
Exposition du 10 avril au 5 juillet au musée de l’Annonciade.
Henri Matisse
Tiré-à-part de la planche III du livre illustré Une fête en Cimmérie. Paris, Tériade, 1963. Lithographie sur papier (24 x 19,2 cm) Don Barbara et Claude Duthuit, 2010. Musée départemental
Matisse, Le Cateau-Cambrésis © Succession H. Matisse. Photo Musée départemental Matisse, Philip Bernard.