A l’initiative de l’association Patrimoine tropézien et de son président Laurent Pavlidis, des spécialistes se sont penchés vendredi 4 mars sur les travaux réalisés dans le donjon de la citadelle et plus largement, sur les fortifications de la cité. Compte-rendu d’une journée à la fois studieuse et enrichissante.
Les objectifs de la journée
Saint-Tropez possède un patrimoine fortifié remarquable qui participe fortement à l’identité de la ville. La tour vieille et la tour du Portalet, tout comme la citadelle, visible de la mer comme de la terre, marquent profondément le paysage urbain de la cité. Mais, Saint-Tropez possède également d’autres éléments architecturaux de toute première importance comme la tour de l’Aire du commun et le château Suffren, propriétés privées ou la porte du Ravelin et la porte de la Poissonnerie. D’autres éléments défensifs, plus discrets, mais tout aussi importants jalonnent ici et là le territoire communal. Vestiges modestes mais bien visibles des enceintes successives de la ville, batterie d’artillerie du Portalet (derrière la tour), batterie du môle et batterie de Capon complètent cet inventaire.
Toutefois, d’autres éléments défensifs ont aujourd’hui disparu. La tour de Saint-Tropez au quartier de l’Annonciade a été démolie au XIXe siècle pour permettre l’agrandissement des chantiers navals, les quatre enceintes successives de la ville ont été abattues à différentes époques. Nous déplorons également la destruction au début du XXe siècle de la redoute Saint-Pierre au Canebiers, tout comme la batterie de La Rabiou ou la batterie du Cimetière.
Le donjon de la Citadelle fait actuellement l’objet d’importants travaux de restauration et d’aménagement. Le moment était donc bien choisi pour rassembler des spécialistes de l’histoire de la fortification et de la Provence pour observer ce donjon ainsi que divers édifices de la ville afin de mieux les connaître et de croiser les regards des spécialistes.
Les objectifs étaient multiples :
- mieux comprendre les techniques de construction
- affiner la chronologie
- confronter les archives aux bâtiments
- améliorer nos connaissances sur la vie quotidienne de ceux qui occupèrent ces lieux.
Participants à la journée d’études :
Nicolas Fauchère, archéologue et historien de la fortification, enseignant-chercheur à l’Université de Nantes, directeur de la collection Patrimoine vivant. Il enseigne également à Paris, à l’Ecole de Chaillot (formation des architectes du patrimoine) et à l’Ecole du Louvre (archéologie militaire). Docteur ès lettres, il est aussi l’un des plus éminents spécialistes de la fortification classique en France. Ses recherches, outre sa thèse de doctorat sur les citadelles des rois de France Charles VII et Louis XI, l’ont amené à explorer le monde des fortifications de Vauban : en tant que coordinateur de l’Année Vauban en 1982, en tant que conseiller historique au Musée des plans-reliefs de Paris entre 1987 et 1992, ou encore comme chef de la cellule du patrimoine fortifié pour le ministère de la Culture dans la région Nord-Pas-de-Calais (1992-1994). Fréquemment missionné à l’étranger pour des études et expertises, il s’est intéressé aux fortifications byzantines et orientales, pour lesquelles il a effectué de nombreuses missions en Grèce, Turquie, Jordanie, Syrie, Liban et à Bahreé¯n. Il est expert auprès de l’UNESCO pour le patrimoine fortifié. Ses publications nombreuses témoignent de sa volonté de diffuser et vulgariser les connaissances historiques, notamment à l’aide des médias les plus innovants : il est l’auteur du CD-Rom « Châteaux forts » réalisé en 1999.
Elisabeth Sauze, chartiste, ancienne conservateur du patrimoine à la DRAC, une des meilleures spécialistes des archives et des fortifications médiévales provençales. Ses études et publications ont notamment portées sur les bourgs fortifiés provençaux.
Bernard Cros, ingénieur militaire à l’arsenal de Toulon, l’un des meilleurs spécialistes des fortifications varoises, auteur de l’ouvrage Citadelle d’Azur, quatre siècles de fortifications varoises.
Francesco Flavigny, Architecte en chef des Monuments historiques, chargé de la restauration du donjon de la citadelle.
Bernard Romagnan, attaché de conservation au SIVU Golfe de Saint-Tropez, Pays des Maures, un des meilleurs connaisseurs des archives locales.
Laurence Pavlidis, directrice du Services des actions culturelles, du patrimoine et de la conservation, historienne de l’art, auteur d’une étude sur la Citadelle de Saint-Tropez.
Laurent Pavlidis, responsable de la Citadelle, historien doctorant, président de l’association Patrimoine tropézien.
Les résultats :
Comme toute journée d’études, celle-ci a abouti à poser de nouvelles questions, de renouveler des problématiques et de lancer de nouvelles pistes de recherche. Cependant, de façon plus concrète elle permet également d’améliorer les connaissances en apportant un certain nombre de réponses.
Concernant le donjon, le fait que les murs soient décroutés permet d’avoir une lecture très précise du monument. M. Flavigny a durant le chantier fait un certain nombre de constations qui ont été confirmées:
- Laurence Pavlidis et Bernard Cros avaient montré, chacun de leur côté en 1995, que les tourelles n’étaient pas prévues dans le projet initial mais qu’elles étaient venues s’ajouter à un certain moment. Bernard Romagnan avait par la suite transcrits des actes notariés qui précisaient que ces tourelles étaient en cours de construction en 1606, soit, 4 ans après le début de la construction du donjon. Les tourelles du donjon ont bien été rajoutées durant la construction à un moment où les maçons avaient déjà terminés le rez-de-chaussée.
- Le plafond du rez-de-chaussée et donc les sols du premier étage ont fait l’objet de modifications durant le XVIIe siècle. A l’origine, le projet prévoyait la création de cinq salles voutées. Mais la hauteur trop faible du rez-de-chaussée, interdisait la création desdites voutes. Il fut donc décidé de construire, dans chaque salle, des murs de refends afin de créer deux petites salles dans une grande, le tout, surmonté, non pas de voutes, mais d’un plancher. Puis, sans doute durant le XVIIe siècle, les planchers furent remplacés par des voutes sarrasines.
- L’observation de certaines salles du premier étage a permis de retrouver les traces de fixation des châlits dans les murs. Ces châlits sont des lits gigognes destinés aux soldats. De la même façon, le décroutage des murs a mis au jour les grandes cheminées d’origine qui furent au XVIIIe siècle, réduites. C’est ainsi, l’organisation de la vie quotidienne de la troupe au XVIIe siècle qui est reconstituée avec précision. On connaît l’emplacement des lits et la dimension des cheminées qui avaient pour fonction naturellement de chauffer la salle, mais également de permettre aux soldats de cuisiner dans leur chambre. Nous sommes, en effet, à un moment de l’histoire où les réfectoires n’existaient pas encore et où toute la vie quotidienne se déroulait dans la chambre.
En ville, l’analyse de plans anciens et l’observation du tracé de certaines rues a permis de valider le tracé de la deuxième enceinte qui passait par la rue Tour vieille et la rue du Four.
Le château Suffren a pu faire l’objet d’une observation minutieuse grâce à la gentillesse de ses propriétaires. Les relevés permettent de proposer une datation quant à sa construction qui devrait se situer vers le milieu du XVe siècle (Faucherre – Sauze).
Enfin, la tour de l’Aire du commun, plus souvent appelée tour Jarlier a pu également faire l’objet d’une analyse minutieuse, toujours grâce à la gentillesse de son propriétaire. Les évents (trous par lequel la fumée des armes à feu s’évacuait) des casemates ont bien été repérés tout comme l’emplacement des embrasures de tirs qui flanquaient l’enceinte.
Recherches à venir :
Bernard Romagnan a effectué un gros travail de dépouillement d’archives des XVIe et XVIIe siècles qu’il va falloir maintenant exploiter au regard des nombreuses observations faites. Elisabeth Sauze va poursuivre ses recherches dans les archives médiévales afin de trouver d’éventuelles traces de construction (ou au moins de mentions) de la tour du château Suffren. Cela devrait aboutir l’année prochaine à deux publications, une consacrée à l’histoire du donjon de la citadelle, l’autres sur les fortifications de la ville.
Ces deux études permettront d’affiner ou de renouveler les connaissances actuelles publiées dans l’ouvrage de Laurence Pavlidis sur la citadelle, de Laurent et Laurence Pavlidis sur les fortifications de la ville et de Bernard Cros sur l’ensemble des fortifications de Saint-Tropez.
A l’initiative de l’association Patrimoine tropézien et de son président Laurent Pavlidis, des spécialistes se sont penchés vendredi 4 mars sur les travaux réalisés dans le donjon de la citadelle et plus largement, sur les fortifications de la cité. Compte-rendu d’une journée à la fois studieuse et enrichissante.
Les objectifs de la journée
Saint-Tropez possède un patrimoine fortifié remarquable qui participe fortement à l’identité de la ville. La tour vieille et la tour du Portalet, tout comme la citadelle, visible de la mer comme de la terre, marquent profondément le paysage urbain de la cité. Mais, Saint-Tropez possède également d’autres éléments architecturaux de toute première importance comme la tour de l’Aire du commun et le château Suffren, propriétés privées ou la porte du Ravelin et la porte de la Poissonnerie. D’autres éléments défensifs, plus discrets, mais tout aussi importants jalonnent ici et là le territoire communal. Vestiges modestes mais bien visibles des enceintes successives de la ville, batterie d’artillerie du Portalet (derrière la tour), batterie du môle et batterie de Capon complètent cet inventaire.
Toutefois, d’autres éléments défensifs ont aujourd’hui disparu. La tour de Saint-Tropez au quartier de l’Annonciade a été démolie au XIXe siècle pour permettre l’agrandissement des chantiers navals, les quatre enceintes successives de la ville ont été abattues à différentes époques. Nous déplorons également la destruction au début du XXe siècle de la redoute Saint-Pierre au Canebiers, tout comme la batterie de La Rabiou ou la batterie du Cimetière.
Le donjon de la Citadelle fait actuellement l’objet d’importants travaux de restauration et d’aménagement. Le moment était donc bien choisi pour rassembler des spécialistes de l’histoire de la fortification et de la Provence pour observer ce donjon ainsi que divers édifices de la ville afin de mieux les connaître et de croiser les regards des spécialistes.
Les objectifs étaient multiples :
- mieux comprendre les techniques de construction
- affiner la chronologie
- confronter les archives aux bâtiments
- améliorer nos connaissances sur la vie quotidienne de ceux qui occupèrent ces lieux.
Participants à la journée d’études :
Nicolas Fauchère, archéologue et historien de la fortification, enseignant-chercheur à l’Université de Nantes, directeur de la collection Patrimoine vivant. Il enseigne également à Paris, à l’Ecole de Chaillot (formation des architectes du patrimoine) et à l’Ecole du Louvre (archéologie militaire). Docteur ès lettres, il est aussi l’un des plus éminents spécialistes de la fortification classique en France. Ses recherches, outre sa thèse de doctorat sur les citadelles des rois de France Charles VII et Louis XI, l’ont amené à explorer le monde des fortifications de Vauban : en tant que coordinateur de l’Année Vauban en 1982, en tant que conseiller historique au Musée des plans-reliefs de Paris entre 1987 et 1992, ou encore comme chef de la cellule du patrimoine fortifié pour le ministère de la Culture dans la région Nord-Pas-de-Calais (1992-1994). Fréquemment missionné à l’étranger pour des études et expertises, il s’est intéressé aux fortifications byzantines et orientales, pour lesquelles il a effectué de nombreuses missions en Grèce, Turquie, Jordanie, Syrie, Liban et à Bahreé¯n. Il est expert auprès de l’UNESCO pour le patrimoine fortifié. Ses publications nombreuses témoignent de sa volonté de diffuser et vulgariser les connaissances historiques, notamment à l’aide des médias les plus innovants : il est l’auteur du CD-Rom « Châteaux forts » réalisé en 1999.
Elisabeth Sauze, chartiste, ancienne conservateur du patrimoine à la DRAC, une des meilleures spécialistes des archives et des fortifications médiévales provençales. Ses études et publications ont notamment portées sur les bourgs fortifiés provençaux.
Bernard Cros, ingénieur militaire à l’arsenal de Toulon, l’un des meilleurs spécialistes des fortifications varoises, auteur de l’ouvrage Citadelle d’Azur, quatre siècles de fortifications varoises.
Francesco Flavigny, Architecte en chef des Monuments historiques, chargé de la restauration du donjon de la citadelle.
Bernard Romagnan, attaché de conservation au SIVU Golfe de Saint-Tropez, Pays des Maures, un des meilleurs connaisseurs des archives locales.
Laurence Pavlidis, directrice du Services des actions culturelles, du patrimoine et de la conservation, historienne de l’art, auteur d’une étude sur la Citadelle de Saint-Tropez.
Laurent Pavlidis, responsable de la Citadelle, historien doctorant, président de l’association Patrimoine tropézien.
Les résultats :
Comme toute journée d’études, celle-ci a abouti à poser de nouvelles questions, de renouveler des problématiques et de lancer de nouvelles pistes de recherche. Cependant, de façon plus concrète elle permet également d’améliorer les connaissances en apportant un certain nombre de réponses.
Concernant le donjon, le fait que les murs soient décroutés permet d’avoir une lecture très précise du monument. M. Flavigny a durant le chantier fait un certain nombre de constations qui ont été confirmées:
- Laurence Pavlidis et Bernard Cros avaient montré, chacun de leur côté en 1995, que les tourelles n’étaient pas prévues dans le projet initial mais qu’elles étaient venues s’ajouter à un certain moment. Bernard Romagnan avait par la suite transcrits des actes notariés qui précisaient que ces tourelles étaient en cours de construction en 1606, soit, 4 ans après le début de la construction du donjon. Les tourelles du donjon ont bien été rajoutées durant la construction à un moment où les maçons avaient déjà terminés le rez-de-chaussée.
- Le plafond du rez-de-chaussée et donc les sols du premier étage ont fait l’objet de modifications durant le XVIIe siècle. A l’origine, le projet prévoyait la création de cinq salles voutées. Mais la hauteur trop faible du rez-de-chaussée, interdisait la création desdites voutes. Il fut donc décidé de construire, dans chaque salle, des murs de refends afin de créer deux petites salles dans une grande, le tout, surmonté, non pas de voutes, mais d’un plancher. Puis, sans doute durant le XVIIe siècle, les planchers furent remplacés par des voutes sarrasines.
- L’observation de certaines salles du premier étage a permis de retrouver les traces de fixation des châlits dans les murs. Ces châlits sont des lits gigognes destinés aux soldats. De la même façon, le décroutage des murs a mis au jour les grandes cheminées d’origine qui furent au XVIIIe siècle, réduites. C’est ainsi, l’organisation de la vie quotidienne de la troupe au XVIIe siècle qui est reconstituée avec précision. On connaît l’emplacement des lits et la dimension des cheminées qui avaient pour fonction naturellement de chauffer la salle, mais également de permettre aux soldats de cuisiner dans leur chambre. Nous sommes, en effet, à un moment de l’histoire où les réfectoires n’existaient pas encore et où toute la vie quotidienne se déroulait dans la chambre.
En ville, l’analyse de plans anciens et l’observation du tracé de certaines rues a permis de valider le tracé de la deuxième enceinte qui passait par la rue Tour vieille et la rue du Four.
Le château Suffren a pu faire l’objet d’une observation minutieuse grâce à la gentillesse de ses propriétaires. Les relevés permettent de proposer une datation quant à sa construction qui devrait se situer vers le milieu du XVe siècle (Faucherre – Sauze).
Enfin, la tour de l’Aire du commun, plus souvent appelée tour Jarlier a pu également faire l’objet d’une analyse minutieuse, toujours grâce à la gentillesse de son propriétaire. Les évents (trous par lequel la fumée des armes à feu s’évacuait) des casemates ont bien été repérés tout comme l’emplacement des embrasures de tirs qui flanquaient l’enceinte.
Recherches à venir :
Bernard Romagnan a effectué un gros travail de dépouillement d’archives des XVIe et XVIIe siècles qu’il va falloir maintenant exploiter au regard des nombreuses observations faites. Elisabeth Sauze va poursuivre ses recherches dans les archives médiévales afin de trouver d’éventuelles traces de construction (ou au moins de mentions) de la tour du château Suffren. Cela devrait aboutir l’année prochaine à deux publications, une consacrée à l’histoire du donjon de la citadelle, l’autres sur les fortifications de la ville.
Ces deux études permettront d’affiner ou de renouveler les connaissances actuelles publiées dans l’ouvrage de Laurence Pavlidis sur la citadelle, de Laurent et Laurence Pavlidis sur les fortifications de la ville et de Bernard Cros sur l’ensemble des fortifications de Saint-Tropez.